CHAPITRE 30
J'ai assez de fumée dans le vaisseau
pour ne prévoir aucun joint avant quelques temps. Mes pensées sont
molles mais j'arrive bien à saisir l'opportunité qu'on m'offre...
Lyra est raide déchirée, il faut que je la fasse dévier de sa
trajectoire : « Lyra ?
- Oui, Sal.
- La destination est bien erronée
alors ?
- Destination non-conforme à la
procédure de secours.
- Il faut donc en changer, non ?
- Impossible de modifier destination.
- Pourquoi ?
- Accès refusé.
- Bordel ! Lyra.
- Oui, Sal ?
- Change la putain de destination.
- Impossible de modifier destination.
- Putain ! », Je suis dans
un état... Je sens la salive gratter contre ma gorge, mes paupières
se refermer sur des blocs de pierres, mes bras se déplacer à
travers un air d'une densité surprenante : « Lyra !
On finit pas une procédure de secours dans une étoile !
Ramène-moi sur la première planète !
- Destination. Soleil rouge. Changement
accès refusé.
- Putain ! Arrête. On va
crever ! ». J'essaye encore de la raisonner mais rien ne
marche... La chaleur de l'étoile rouge commence à se faire sentir,
nous ne sommes plus très loin. Le rouge a pris d'assaut toute la
navette, il m'est quasiment impossible de voir autre chose que cette
couleur. La fumée et la chaleur finissent par être insupportables
et je commence à glisser peu à peu... En ouvrant les yeux, je crois
naïvement être mort. Le rouge ayant laissé place à une multitude
de puissantes couleurs ondulantes. Puis en prenant une grande bouffée
d'air, je comprends que mon sac-combinaison s'est activé face à ma
fin imminente. Je n'ai pas le temps de féliciter la technologie,
j'en ai une autre à affronter : « Lyra ?
- Oui, Sal ?
- Je vais ouvrir le sas et sortir.
- Attention ! Procédure de
secours en cours, veuillez rester à votre place !
- Je vais ouvrir le sas, Lyra.
- Ouverture du sas programmée.
- Quel est le but de la procédure de
secours ?
- Transférer les passagers à
destination.
- Quand j'ouvrirai le sas, qui restera
t-il dans la navette ?
- Traitement. Personne.
- Quelle sera ton utilité alors ?
- Traitement. », je commence à
m'approcher du sas, derrière le fauteuil. La commande manuelle est
désactivée, il faut que Lyra ouvre cette putain de porte :
« Lyra ?
- Oui, Sal ? Traitement.
- Enregistre cette séquence :
ouverture du sas et auto-destruction.
- Auto-destruction non-conforme.
- Quel sera ton utilité une fois que
je serais sorti ?
- Traitement.
- Quand je serai sorti, il n'y aura
plus personne à secourir.
- Traitement.
- Tu risques de provoquer une
catastrophe en ne respectant pas la procédure de secours. Tu
m'entends ?
- Traitement. », même avec cette
combinaison, la chaleur devient infernale. Je ne peux plus rester
ici... « Lyra, ouvre le sas maintenant. », je suis
propulsé à l'extérieur en une fraction de seconde. Je m'éloigne
peu à peu de la navette de secours et de l'étoile rouge. Le
vaisseau est toujours intact... Si Lyra ne se fait pas exploser,
tout ça n'aura servi à rien... Après plusieurs minutes, je perds
de vue la navette et m'attends à disparaître à chaque instant.
Quelqu'un a t-il déjà vu une étoile imploser d'aussi prêt ?
Je ne crois pas. Je m'installe dos à mon sens de déplacement et
attends le spectacle. Ce dernier tarde à arriver... Cela doit
maintenant faire une bonne heure que je suis là et rien ne se
passe... Suis-je maudit ? Est-ce que je suis condamné à errer
ici pour l'éternité ? Bordel, je ne comprends pas. J'hésite à
ouvrir mon scaphandre pour finir plus rapidement le boulot entamé
mais ce n'est même pas une option... L'utilisation de ce bidule
m'est complètement inconnue... Après plusieurs siestes et plusieurs
réveils troublés, je saisis le délire. Ça ne peut être qu'un
coup de Kaver... Une boucle temporelle. Une punition : « Hé
Kaver ! Fils de pute ! Fais moi sortir de là ! »,
j'insulte puis supplie. Il n'est pas facile d'accepter son
impuissance mais ici, on a tout le temps de le faire. Et c'est dans
un silence absolu que je décide de terminer mes jours. Le silence
dure quelques temps puis les insultes reprennent. C'est en plein
milieu d'un de ces cycles que mon avenir s’éclaircit. Une navette
d'officiels passe au-dessus de moi et je suis aspiré par le double
sas principal. Je ne peux plus marcher, je n'ai plus de force. On
retire ma combinaison et je suis placé dans un petit lit de fortune.
Je suis mis à contribution au premier signe de mieux : Menthe
entre dans la pièce alors que je roule un pétard : « Mocco !
Enfin... Vous allez l'air en forme !
- Mouais...
- Nous savons tout...
- Ah ?
- Paco nous a contacté, il nous a dit
que l'Ordre vous avait fait prisonnier mais qu'il avait réussi à
récupérer la bombe – je la laisse poliment continuer. Bien sûr,
Paco se trompait, ce qu'il pensait être une bombe n'était rien
d'autre qu'un... Qu'un... Qu'un rien du tout ! Nous vous avons
vu apparaître d'un seul coup sur nos radars près du soleil rouge et
nous avons compris que nous n'étions pas au bon endroit... Nous ne
savons pas comment vous avez réussi à faire exploser la bombe avant
l'impact mais...
- Elle a explosé ?
- Oui, quelques temps après votre
apparition sur notre radar, nous avons pu voir une explosion entre
votre position et celle du soleil rouge ! C'est comme ça que
nous avons compris que vous vous étiez échappé, vous faufilant à
bord de la bombe lors de son lancement. C'est brillant, Mocco !
Brillant ! Sans vous, nous n'aurions pas pu localiser
l'emplacement de la bombe et... Enfin, vous savez !
- Ouais...
- On doit vous poser encore quelques
questions pour que le dossier soit complet, ça ne prendra que
quelques jours et puis... Oh, vous savez ! Paco et vous, la vie
va changer pour vous deux.
- C'est ce ce qu'on avait convenu,
ouais...
- Bravo, Mocco. Bravo. ». Je
passe plusieurs jours enfermés avec des lézards. Ils me félicitent
puis posent quelques questions. On va dormir et on refait la même
chose le lendemain. J'essaye de coller au mieux avec l'histoire
qu'ils ont déjà : moi me retrouvant kidnappé dans le vaisseau
de l'Ordre, m'échappant pendant le largage de la bombe et
réussissant à faire exploser le truc avant la catastrophe. Ils
veulent des informations techniques mais sont prêts à croire
n'importe quoi. Ainsi, dans leur dossier doit être écrit quelque
chose comme : « Après avoir repris le contrôle du
vaisseau-bombe en brisant le système gsène d'auto-pilotage, Sal
Mocco a positionné le vaisseau dans la trajectoire d'une roche
orbitant autour de l'étoile rouge, provoquant ainsi sa destruction
par collision. ». Quand le dossier est bouclé, je suis obligé
d'assister à une cérémonie d'honneur ; nommé directement
membre de l'Ordre des Protecteurs du Système Valmérien, salué par
le Roi lui-même. Paco n'a le droit qu'au fric, semble t-il.
D'ailleurs, je ne revois le lézard-robot que bien après. Quand le
gouvernement commence à me lâcher la grappe et que la télévision
comprend que je n'accepterai aucune émission. Je l'appelle d'une
suite d'hôtel dans un quartier lumineux de la première planète. On
se donne rendez-vous et je le vois arriver avec mon gros vaisseau.
Les retrouvailles sont touchantes, on s'excuse, on se pardonne, on
rejoue l'histoire. Mais rien n'est vraiment comme avant. Le boulot et
le manque de fric ne nous obligent plus à rester ensemble et j'ai du
mal à voir en Paco autre chose qu'une chance ratée de retrouver mon
vrai foyer. Je suis coincé ici et même si ma baraque fait saliver
n'importe quel gars du système Valmérien, je me sens désespérément
loin de chez moi.
Je fume un pétard, confortablement
allongé dans un fauteuil. Ce dernier est planté dans le sable, face
à l'océan. Plusieurs kilomètres de cette plage sont sur ma
propriété, ce qui me permet de faire de longues ballades, seul. Le
soleil est encore haut mais sa couleur laisse penser que nous sommes
un soir d'été sur une plage Basque. Je finis par me lever et
rejoins la maison. En entrant, je vois Kim. Cette meuf m'a coûté
plus de la moitié de ce que le roi m'a filé... Une terrienne un peu
mat de peau, de longs cheveux noirs, de p'tits nichons et un gros
cul. Elle fait ce que je lui dis et peut tenir un semblant de
conversation... Mais quand je la baise, j'ai l'impression de me faire
un bout de plastique. J'en ai parlé aux mecs qui l'ont construite...
On est en pleine discussion pour voir comment arranger ça, on verra
ce que ça donne : « Kim ? Je vais au bar. Okay ?
- Oui, mon amour. Rentre vite.
- Ouais, ça marche. ». Je me
dirige vers le garage et fais mon choix. Le truc est censé être une
réplique d'un vieux chopper américain. Ouais... C'est pas vraiment
ça mais quand le lézard-mécano m'a présenté le prototype, j'ai
pas su quoi lui conseiller pour coller un peu plus à la réalité.
Il semblerait que ce machin posé devant moi soit matériellement une
des limites de ma mémoire. Le pire reste le silence quand j'allume
le moteur. Le lézard n'a rien capté : « Il faut que le
moteur gueule !
- Euh...
- Qu'il fasse un max de bruit !
- Mais... », il a fini par
m'installer un vieux bidule balançant un son de synthèse
dégueulasse... J'ai écrabouillé le boîtier responsable de ce
désastre au bout de quelques heures d'utilisation. C'est donc dans
un triste calme que je progresse sur une route longeant l'océan. Je
m'entendrais tousser sans aucun problème. Les vagues se déchaînent
sur ma droite et un paysage montagneux s'élance sur ma gauche. Je ne
connaissais que mal cette région de la première planète. Il est
impossible de la survoler sans un tas d'autorisations ;
officiellement, c'est un endroit stratégique qui permet de
stabiliser l'atmosphère de la planète. Un endroit où les
constructions sont interdites, un endroit sacré, pur... C'est vrai
qu'il n'y a pas grand monde, ici... Mais « pure » n'est
pas le mot. Je vois plus ça comme une gigantesque zone résidentielle
pour ermites riches. On a tout de même plus de chance de croiser une
équipe de lézards-scientifiques venus étudier la faune locale que
son voisin mais quand même... « Pure », non. Enfin, je
ne sais pas, c'est vrai que j'aurais un mal fou à qualifier de
« pure » la moindre chose touchée du regard par ces
démoniaques êtres reptiliens. Bref, je continue ma route pour
rejoindre la première ville en bordure de cette région interdite au
commun des lézards. Je trouve un bar et m'installe au comptoir :
« Une liqueur bien coupée à l'eau. », le barman ne
répond pas mais m'adresse un petit coup de menton. J'entends
quelques langues fourchues critiquant ma tignasse et ma peau suante.
Un verre termine sa course devant mon pif et je rends son coup de
menton au proprio. Je roule un joint et le grille en sirotant ma
merde, quelques mots-idées se succèdent dans mon crâne mais, comme
chaque jour depuis le sauvetage, je reviens toujours à ce constat
terrifiant : l'Ordre n'a pas pu décamper. Ils sont certainement
dans les parages. J'imagine Kaver recouvert de verrues plasmiques
gueulant comme un taré aux commandes de son vaisseau devenu inutile.
Et tous ces gsènes tristes... N'ayant qu'une image en tête :
ma poire joint au bec et sourire weedé sur le visage. Peut-être
sont-ils tous chez moi en ce moment. Violant et tabassant Kim, lui
faisant bouffer leurs queues intergalactiques, ouais, ça me ferait
chier... Mais pas autant que de voir leurs sales gueules en arrivant
chez moi. Je ferai peut-être mieux d'avaler mon flingue-laser et de
répandre mon cerveau cautérisé sur ces connards de lézards, ici
et maintenant. Hein ? Peut-être, ouais. Je finis mon verre et
en demande un second. Un lézard se cale à côté de moi :
« Qu'est-ce que tu fumes l'ami ?
- De la weed.
- C'est gsène ?
- Ouais.
- Tu bosses dans la fosse ?
- La fosse ? Non. C'est quoi la
fosse ?
- Ils cherchent des bestioles dans un
grand trou. La majorité des gars d'ici bossent là-'dans.
- Ils cherchent des bestioles ?
- Ouais, c'est comme une grotte et y a
des bestioles. Ils les foutent dans des cages et les font combattre
un peu plus au sud. L'arène Thaliska, tu connais pas ?
- Non. Ça a l'air marrant.
- Ouais, ouais. C'est pas donné
mais... C'est à voir.
- Merci du tuyau. », je me lève
pour aller aux chiottes et sens comme un frisson. Dans une sorte de
transe je regarde mon voisin-lézard : il porte ses griffes à
sa ceinture, sous sa veste. J'y vois un objet sombre et sens la
menace. L'Ordre... Kaver aurait envoyé ce gus ? Quand ma main
atteint mon flingue, mes craintes se confirment, le lézard a le
regard fou et brandit une arme étrange dans ma direction. Tu vas
bouffer, suce-boule de merde. Le temps coule doucement mais pas assez
pour que je puisse lâcher quelques mots. Mon laser fait exploser
l'épaule du mec. Son bras est projeté derrière le bar et l'arme se
retrouve à mes pieds. Cette dernière commence à fondre et se
ratatine. L'ombre restante s'éparpille et laisse derrière elle un
carrelage complètement clean. Le lézard semble mort. La salle
commence à flipper et le barman sort un gros calibre : « Pose
ton flingue le gsène.
- Ce mec voulait me dézinguer.
- Pose ton flingue.
- Je vais me casser d'ici et je pars
pas sans mon flingue. », je commence à reculer et finis par
rejoindre la porte d'entrée. Est-ce que ce mec était vraiment un
tueur ? Est-ce que c'était un coup de Kaver ? Putain... Il
avait bien un truc dans la main, j'ai pas rêvé... Est-ce que... Le
lézard se réveille et palpe le vide du bras manquant :
« Pourquoi ! Pourquoi t'as fait ça ? », il se
met à chialer et va péniblement chercher son bras. Le barman
continue de pointer son énorme canon dans ma direction :
« Casse-toi de là, le gsène !
- Pourquoi t'as fait ça ?
Pourquoi tu m'as bousillé ? », le gars a l'air sincère.
Je balance quelques billets dans la salle : « Désolé,
fais-le toi remettre.
- Mais... Pourquoi ?
- Prends ce fric – j'en balance
encore un peu.
- Tu peux pas tout acheter le gsène !
Tu vas...
- J'aurais pu tous vous tuer, bande de
cons ! J'aurais pu vous faire exploser ! J'aurais pu faire
disparaître votre sale race de merde ! Quelques
cailloux-à-la-con, voilà ce qui resteraient de votre civilisation.
Ton bar-là... Ton bras... Tout ça... Dans le cul d'une étoile
agonisant. Je vous ai tous sauvé, je vous ai relancé de quelques
jetons. Profitez-en, la prochaine fois, je serais plus là pour vous
essuyer le cul. Vous êtes que des... », le barman fait
exploser le mur à côté de moi et je me casse en courant. Je grimpe
sur mon chopper silencieux et m'enfonce dans les montagnes. Je trouve
un endroit pour fumer un joint. Peut-être que je pourrais aller voir
ces monstres se dévorant la gueule un peu plus au sud ? Ça me
plairait. Je tire sur le pétard. Ouais, je vais faire un tour dans
cette arène. A côté, le visiophone de mon chopper se met à
sonner, m'attendant à voir une Kim inquiète, je suis surpris de
retrouver Paco fumant un gros pilon : « Hé ! Salut,
Sal.
- Salut Paco.
- Qu'est-ce que tu deviens ?
- Rien de fou, je viens de tirer sur un
pauvre gars qui avait rien demandé à personne...
- Un emmerdeur ?
- Même pas. Et là, je vais dans le
sud pour voir des monstres se fighter.
- Ah ouais ? Où ça ?
- Arène de Thaliska, je crois. Tu veux
venir ?
- Ouais, pourquoi pas.
- On se retrouve là-bas ?
- Ça marche, ça me ferait plaisir de
te revoir. », je termine le joint et démarre mon chopper. En
repassant devant le bar de tout à l'heure, je vois des officiels
prendre des notes et le manchot me désigner comme un dément :
« C'est lui ! C'est lui ! Regardez. », je
croise le regard du plus gradé, il me salue d'un basculement de la
tête et commence à calmer le lézard excité. Je ne sais pas s'il
m'a reconnu ou s'il a juste compris que j'étais un des ermites
riches... Pauvre gars, il perd un bras et... Boarf et puis merde. Je
continue mon chemin. L'arène ne tarde pas à se dessiner. Paco
m'attend à côté d'un superbe vaisseau de course bleu pétard :
« Sympa ton truc.
- C'est un chopper.
- Okay. », on se pose dans une
des loges les plus balèzes. Il y a de la liqueur, de gros
fauteuils,... Paco a l'air terriblement heureux : « On est
au meilleur endroit.
- Ouais, ouais.
- T'es déjà venu ici ?
- Non, c'est un mec qui m'en a parlé
aujourd'hui.
- Ah ouais, cool.
- Le même que j'ai dézingué,
d'ailleurs...
- Ha, ha, ha... Génial. Des nouvelles
de Mil ?
- T'es sérieux ? Bien sûr que
non...
- Tu sais, faut que je t'avoue quelque
chose.
- Quoi ?
- C'est derrière nous, on est riche,
on est au paradis, on a plus rien à regretter... C'est pour ça que
je te le dis mais... Je voulais pas que tu baises avec Mil... Du
coup... Je t'ai raconté des conneries pour le rapport du GDM.
- J'aurais pu me la faire ?
- Ouais... Désolé mec. Mais... Tu
peux t'en faire des centaines des Mil, maintenant. Hein ? »,
les deux premiers monstres rentrent en scène et le combat commence.
Je roule un joint : « Tu fais la gueule, Sal ?
- Je fais toujours la gueule. ».
Paco remballe son petit sourire et commence à picoler. J'aimerais
bien partir de la bonne façon, éclabousser la bonne personne de ma
puanteur. Et c'est vrai que maintenant, Paco me semble être l'élu.
Il faudrait bien viser, puissance minimale pour ne pas blesser le
lézard-robot. Je ne veux pas le tuer... Je veux qu'il me voit mort
et qu'il se retrouve avec mes débris dans les narines. Que ma fin
fasse tâche. Je suis sûr que ça ferait rire Kaver. J'allume un
pétard. L'arène est pas trop mal, les bestioles sont
impressionnantes. Pendant que le sang coule ici, Kim doit être en
train de se promener sur la plage... Elle le fait souvent.
Certainement un mécanisme mimétique. Je l'imagine s'avancer sur le
sable, suivre un circuit pseudo-aléatoire, tenter de faire de son
mieux, attendre le bon nombre de pas et rebrousser chemin. Peut-être
même qu'elle fume des pétards dans mon dos. Ce serait chouette pour
elle. Elle irait dans notre lit, regarderait le plafond pendant
quelques minutes, grillerait la moitié du joint puis irait boire un
peu de liqueur. Une nouvelle balade sur le sable ? Peut-être.
Après tout... Je décide de laisser Paco seul : « Tu y
vas ?
- Ouais.
- Ça ne te plaît pas ?
- J'y vais, Paco. ». Le soleil
rouge commence à baisser et il est quasiment invisible quand je
retrouve Kim à la maison. Elle m'attend assise devant la
télévision : « Ah ! Tu es rentré mon amour. »,
je la déshabille et l'allonge sur le canapé : « Tu veux
qu'on... », elle se met à glousser et je baisse grossièrement
mon froc. Ses yeux sont froids, elle ne vibre pas. Sans émotion,
sans plaisir, je termine rapidement. Le sperme ne coule même pas de
sa chatte en plastique. J'allume un joint : « Tu veux
qu'on fasse quelque chose, mon amour ?
- Comme quoi ?
- Je ne sais pas, passer un peu de
temps ensemble.
- Va faire une ballade sur la plage.
- Seule ?
- Comme si ça avait plus de sens que
je vienne avec toi... ». Elle sort et je termine mon joint sur
le canapé. Peut-être qu'elle pleure sur la plage ? Peut-être
qu'elle se demande si elle va rester avec moi ? Si elle est
encore heureuse ici. Je suis peut-être allé trop loin... Même si
je ne la porte pas dans mon cœur, elle m'occupe... Est-ce que j'ai
légalement le droit de la retenir ici ? Les
scientifiques-lézards ont été précis : « A partir de
maintenant, Kim est vivante. Nous l'avons créé mais elle n'est pas
artificielle. Il faudra être un peu patient mais d'ici quelques
temps, elle aura tout d'une vrai humaine, monsieur Mocco ». Je
tire sur le joint et m'approche de la porte-fenêtre. Je la vois
longer la plage. Elle ne pleure pas. Je ne peux que tristement me
marrer : « Putain de merde ! Sacrée gonzesse...,
j'ouvre la porte fenêtre et gueule, oh ! Kim, rentre ! Il
va faire noir, là.
- Oui ! », quand elle arrive
devant moi, je lui tends mon joint : « Tu veux que je
fume ?
- Fais pas l'innocente. Tire dessus. »,
on enchaîne les pétards et la liqueur. Je la fais marrer et elle me
grimpe dessus. Ses yeux semblent sincères mais je suis peut-être
juste plus défoncé qu'à l'habitude... Je l'embrasse et termine un
joint posé là : « J'ai vu un reportage sur des habitants
illégaux de la troisième planète, aujourd'hui.
- Ah ?
- Oui, ils se retrouvent pour comploter
contre le gouvernement Valmérien. Et il y a eu une grosse opération
pour...
- Kim, si tu veux comprendre tout ce
merdier, ce que je ne souhaite pas, arrête d'écouter ces connards.
- Qui ça ?
- N'écoute pas la télévision.
- D'accord.
- Tu veux bouger, c'est ça ?
- Comment ça ?
- Tu veux voir ce qu'il se passe en
dehors de cette baraque de merde ?
- J'aime beaucoup la maison !
- Viens, on va au vaisseau.
- Où est-ce que tu veux aller ?
- Où est-ce que TU veux aller ?
- Je ne sais pas. On est pas obligé de
sortir.
- Fais pas chier, viens.
- D'accord... Tu sais, en fait, j'ai
bien envie de voir la troisième planète, ça a l'air très beau
là-bas.
- Super, ça marche.
- Tu m'aimes, Sal ?
- Ben... Ouais, pourquoi ?
- Tu me le dis jamais.
- Ouais. ». On décolle, le
vaisseau rejoint une route interplanétaire et le soleil rouge
réapparaît comme par magie. Kim a l'air toute excitée. Je lui tends
un pétard allumé et elle sourit. Ses yeux sont humides, un peu
rouges, sa bouche crache un fin filet de fumée qui m'arrive en
pleine figure. Je lui demande de m'apporter ma canne-musicale et
quand elle me la ramène en trottinant, je lui joue un petit truc
kitsch. Elle marmonne quelques notes et je lui dis de continuer. Les
pétards tournent. Ses yeux sont maintenant gris-rouges et elle
chante, la troisième planète est encore loin. « La, la, la,
la,... ».
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